d'où parlez-vous? La deuxième règle fondatrice d’un réseau, c’est la reconnaissance de l’identité de ses membres. Connaître et se faire connaître pour mieux échanger. Une organisation classique n’a que faire des identités; elle ne se préoccupe que des fonctions, voire des statuts ; peu importe ce que vous dites, seul le lieu d’où vous parlez, la fonction que vous représentez comptent. Ainsi, il y a quelques années, je participais pour la première fois à un de ces exercices dont la France a le secret, la préparation du Plan. Dans la salle de réunion, un grand salon à lambris, quelques personnes attendaient, assises, à l’autre extrémité de la pièce ; je m’asseyais près d’eux; peu à peu la salle se remplissait. Le président de commission, devenu depuis ministre célèbre, ouvre la séance. La discussion s’anime. Je prends la parole, expose une idée; à ma grande surprise, face à moi, le porte-parole de la délégation patronale, pris d’une solennelle colère, taille en pièces mes arguments. Je réalise alors que je m’étais assis du côté des syndicalistes, abusé sans doute par leur cravates; m’imaginant dans l’autre camp, le patron
d’en face, n’écoutait pas ce que je disais, mais d’où je le disais. Le statut ou le titre vous déterminent dans les organisations classiques.
Votre contribution devra, de ce fait, être calibrée, ne provoquer aucune surprise. Il est d’autres réunions dont il faut attendre la fin pour comprendre quels en étaient les participants ; on y demande en aparté le nom de la personne qui vient d’exprimer un point de vue. Quand la réunion se termine, les problèmes ont peu avancé, mais chacun est ravi d’avoir enfin découvert « qui était qui ?». Dans un réseau, les fonctions ne sont pas premières; les relations et le contenu qu’elles véhiculent sont seules importantes. La vitesse de mobilisation est essentielle. Savoir à qui l’on passe le relais est déterminant, quelle que soit la fonction officielle et statique de la personne, ce qui importe c’est ce qu’elle peut faire pour moi, maintenant.