DIDIER CALCEI... une critique de la loi des retours croissants

...j’ai remarqué que, en plus de votre livre, quelques livres de Netéconomie récemment publiés et par ailleurs très intéressant – par exemple, Bénéfices sur le Net et Valeur sur le Net de John Hagel III, ou Net Stratégies de Philip Evans et Thomas Wurster – ont le même travers : l’utilisation abusive des écrits de Brian W. Arthur.

Par utilisation abusive, j’entends le fait que les deux exemples – Qwerty vs. Dvorak et VHS vs. Betamax – que citent Brian ARTHUR ne font pas l’unanimité parmi les économistes. Le désaccord ne porte pas tant sur le fait qu’il s’agisse d’exemples indiscutables permettant de justifier la loi des rendements croissants, mais davantage sur l’issue de la course technologique entre les différentes technologies. Ainsi, il n’est pas du tout évident que le clavier AZERTY/QWERTY soit inférieur au clavier DVORAK Simplifié.

Il est clair que la loi des rendements croissants occupe une place importante pour expliquer les succès de la NETECONOMIE. Néanmoins, suivant aveuglément Brian ARTHUR, certains auteurs considèrent que la loi des rendements croissants est toujours valable, ou que les rendements croissants sont illimités

 

Le livre de Jacques Chaize est passionnant de bout en bout et qui constitue un très bon outil pour comprendre le monde d’aujourd’hui et le monde de demain.

Cependant, les exemples cités en appui de la loi des rendements croissants ne font pas l’unanimité parmi ceux qui les étudient – pour l’essentiel des économistes – en ce qui concerne le résultat de ces guerres de standards. Ainsi, de la guerre VHS (Matsushita) contre Betamax (Sony), il est très difficile de conclure que le format Betamax était réellement supérieur au format VHS. Les différences techniques entre les deux formats étaient somme toute minimes ; cependant, le format VHS disposait d’un avantage suffisant pour lui permettre de renverser l’avantage initial – être le pionnier sur le marché – de Betamax : des durées d’enregistrement supérieures. Les perceptions des désirs des consommateurs par les dirigeants de Sony et de Matsushita étaient différentes : Sony estimait qu’une cassette de la taille d’un livre de poche serait plus facilement transportable et Matsushita estimait qu’une cassette sur laquelle on pourrait enregistrer deux heures était nécessaire. Les consommateurs donnèrent raison aux dirigeants de Matsushita. Lorsque Sony réagit et modifia la longueur de ces cassettes, il était trop tard car non seulement VHS proposa des durées encore supérieures à celle de son rival, mais également VHS profita des rendements croissants sous la forme des effets de réseau : plus le VHS est adopté, plus son utilité augmentera pour l’usager grâce aux simples effets de l’élargissement de la communauté des utilisateurs. En définitive, l’association des nouvelles technologies à la loi des rendements croissants est dans certaines occurrences hâtive puisque, en réalité, les décennies précédentes ont été caractérisées par l’émergence de nombreuses technologies présentant des chutes de prix énormes et, en même temps, une croissance exponentielle des ventes. Assimiler systématiquement ces deux caractéristiques à la loi des rendements croissants constitue dans de nombreux cas une erreur. L’argument classique de cette assimilation s’explique par le fait que ces nouvelles technologies incorporant une quantité importante d’information et que les coûts de l’information de ces nouvelles technologies sont en général entièrement associés à des coûts fixes. Par exemple, les coûts de production d’un nouveau logiciel sont très importants, mais les coûts de reproduction sont minimes et constants. Cette argumentation peut conduire à la conclusion que les coûts moyens chuteront indéfiniment avec l’augmentation du nombre des logiciels vendus sur le marché. Ainsi, la loi des rendements croissants serait validée. Cependant, plusieurs raisons infirment  cette argumentation. La plus simple est que les coûts d’information ne sont pas tous fixes et qu’il ne faut pas oublier les coûts conventionnels

Ainsi, même si la loi des rendements croissants est importante dans le cadre de la net-économie, il faut pouvoir démontrer qu’elle s’applique réellement à toute les net-entreprises et non pas simplement le postuler

Cette précision sur la loi des rendements croissants n’enlève rien des qualités et de la richesse du livre de Jacques Chaize.