Citoyenne ou mitoyenne? Une fraîcheur dorée s’écoulait des murs. Dehors, le soleil d'août desséchait les maïs. L'église du village était pleine à craquer. Jamais on n'avait vu tant de monde à l'enterrement d'un harki. A son dernier jour, ce n'était pas la nation pour laquelle il avait combattu qui lui rendait les honneurs, mais l'entreprise où il avait travaillé pendant plus de 25 ans.
Aucune note de service, seul le souvenir de son rire avait rassemblé, en plein été, la quasi-totalité de ces compagnons de travail. Ce jour-là, plus que tous les autres, j'ai été fier de mon entreprise.
Tous, nous avons en mémoire ces moments de solidarité où l’entreprise prend le visage rassurant d’une famille, d’une nation, d’un terroir solide et tutélaire. Et pourtant, combien de villes minières se sont endormies à l’abri trompeur de leurs entreprises fortes, familières et soudainement vaincues ? Combien de régions ont perdu de leur superbe quand se sont éteints les hauts-fourneaux ? Combien de pays leur hégémonie quand la concurrence a envahi leurs ports ?
L’entreprise ne serait-elle qu’un capitaliste nomade au sang froid ? Et reviendrait-il à l’Etat, seul garant du cœur, de la justice et de la permanence, la mission d’encadrer et de régler cette entreprise versatile et irresponsable ?